A la suite d'un jugement récent rendu en Allemagne, l'actualité relative au phénomène OVNI a sans doute éveillé chez certains quelques espoirs d'en savoir plus sur la position réelle de l'Allemagne sur cette thématique. Mais ces attentes sont-elles réellement justifiées ? Il était intéressant de connaître le point de vue et les commentaires d'un acteur majeur de l' "information alternative aux confins de la science" en Allemagne.
Nous reprenons ici une série d'informations données par le site allemand Grenzwissenschaft-aktuell.de, notamment le 26 juin et le 2 juillet 2015 et en proposons une traduction et une synthèse.
Malgré l'attention portée à la traduction de ces articles afin que soit rendu le plus fidèlement possible le texte allemand, il se pourrait qu'une erreur soit intervenue, certains termes et nuances étant difficiles à rendre en français; si cependant une erreur majeure de nature à fausser la bonne compréhension du texte devait être relevée, merci de nous en faire part.
Le dossier OVNI de la République Fédérale d'Allemagne
Cela fait des dizaines d'années que des chercheurs dans le domaine du phénomène OVNI s'efforcent d'obtenir des informations et d'avoir accès à un éventuel dossier OVNI existant auprès de services et d'institutions d'état. Des requêtes auprès d'administrations jusqu'aux plus hautes sphères ministérielles avaient jusqu'à présent généralement été rejetées avec à peu près ce langage: " Les services et autorités allemands ne se livrent ni à une recherche sur le phénomène OVNI, ni n'exploitent de rapports ou études sur ce thème", comme le disait en dernier lieu, alors en tant que ministre, Wolgang Schaüble, l'actuel ministre des Finances, en réponse à une requête à ce sujet.
Cependant le dossier publié par GreWi comprenant des informations relatives précisément à ces procédures de signalement et dossier OVNI de la République Fédérale d'Allemagne qui, d'après le discours officiel, n'existeraient pas, démontre que la réalité est toute autre.
Le "Dossier OVNI du Parlement allemand"
Après des années de bataille juridique, la Cour administrative fédérale de Leipzig, en tant que dernière instance dans cette action en justice en vue de prendre connaissance de ce dossier connu sous le terme de "UFO-Akte des Bundestages" [dossier OVNI du Parlement fédéral], vient d'y donner une suite favorable en date du 25 juin 2015.
Cependant il ne s'agit pas de dossier relatif à des projets secrets et officiels de recherche du gouvernement fédéral, de ses ministères ou de l'armée, mais d'un document élaboré par les services scientifiques du Parlement allemand sur cette thématique.
GreWi a pu se procurer ce document de 20 pages, dans sa version intégrale et non expurgée, et, pour la première fois, en a réalisé une synthèse.
Le contexte
Concrètement il s'agit d'un document élaboré par les départements scientifiques sous le titre "Die Suche nach ausserirdischem Leben und die Umsetzung der VN-Resolution A/33/426 zur Beobachtung unidentifizierter Flugobjekte und extraterrestrischen Lebensformen" , soit "La recherche de vie extraterrestre et la mise en application de la résolution A/33/426 des Nations Unies sur l'observation d'objets volants non identifiés et les formes de vie extraterrestre". Celle-ci a été commanditée en 2009 et finalisée le 23 novembre 2009 par le département spécialisé "WD 8: Umwelt, Naturschutz, Reaktorsicherheit, Bildung und Forschung " (WD 8: Environnement, Protection de la nature, Sécurité nucléaire, Formation et Recherche).
Ce document a donc été élaboré pour un membre du Parlement allemand dont l'attention avait été attirée par Robert Fleischer de "Exopolitik Deutschland" (Exopolitik.org) sur l'existence de cette résolution des Nations Unies A/33/426. Robert Fleischer lui avait également demandé ce qu'il en était de la mise en application de cette résolution et pourquoi elle n'avait jamais été concrétisée.
Ainsi lorsque F. Reitemeyer prit connaissance de l'existence de ce document à travers l'information donnée par Robert Fleischer sur Exopolitik.org, il voulut avoir recours aux textes régissant le droit à la liberté d'information (Recht auf Informationsfreiheit) et demanda d'avoir accès à ce document. Après un refus de l'administration du Parlement allemand, Reitemeyer porta plainte et, dans un premier temps, obtint gain de cause. Dans un deuxième temps, l'affaire vint en appel et le droit à l'accès à ce document lui fut à nouveau refusé. Enfin, en dernière instance, l'affaire fut jugée par la Cour administrative fédérale de Leipzig qui, tout récemment, a définitivement tranché en faveur du plaignant.
Chapitres 1 à 3
Ainsi, comme l'indique le sommaire, les chapitres de 1 à 3 ne constituent qu'un récapitulatif purement informel de questionnements et de généralités sur le thème de "La vie intelligente dans l'univers", "Recherche d'intelligence extraterrestre - SETI" et "La recherche de planètes en-dehors de notre système solaire", ces informations étant cependant aisément disponibles pour tout un chacun sous forme de livres ou de contenus de pages web.
Il ne s'agit donc en aucun cas et d'aucune façon de prétendument "connaissances secrètes" d'un quelconque service gouvernemental, institution ou de l'armée. On y parle de l'âge de l'univers, du nombre d'étoiles, des planètes lointaines et des distances colossales, de la difficulté pour d'éventuelles civilisations extraterrestres de pénétrer dans notre système solaire, du moins à la lumière des connaissances et technologies actuelles. On y évoque le "paradoxe de Fermi" qui questionne sur le fait que nous n'ayons pas encore trouvé de preuves de civilisations extraterrestres ou pourquoi nous n'avons pas encore établi de contact avec eux.
On y discute aussi de l' "équation de Drake" qui cherche à déterminer mathématiquement la probabilité de l'existence d'intelligence extraterrestre. On y parle également de SETI - en fait la recherche d'intelligence extraterrestre- et des institutions qui y sont impliquées. Enfin l'on y évoque aussi l'état [d'à l'époque] de la recherche d'exoplanètes, alors qu'alors il n'avait été découvert que 400 planètes en dehors du système solaire contre environ 2000 aujourd'hui.
Chapitre 4
Il se réfère à la résolution A/33/426 des Nations Unies en ces termes:
"L'objectif de la résolution A/33/426 de l'assemblée générale des Nations Unies de 1978 est l'étude des objets volants non identifiés (OVNI) ainsi que des formes de vie extraterrestre" et encore "L'assemblée générale invite les états membres à prendre des mesures appropriées au niveau national en vue de la coordination de la recherche scientifique et l'étude de la vie extraterrestre, y compris des objets volants non identifiés, et à informer le Secrétaire général du résultat et de l'importance des observations et études"
Par contre, en page 7 du document, il est rappelé qu'il s'agit d'une résolution des Nations Unies, mais que ces résolutions ne constituent qu'une recommandation et n'ont juridiquement aucun caractère obligatoire et n'engagent donc pas par rapport à leur mise en oeuvre. De même y est-il souligné que les états membres ne sont qu' "invités" à entreprendre la coordination énoncée. Les auteurs du document considèrent encore que la République Fédérale d'Allemagne n'est à aucun moment tenue de documenter le sujet en entreprenant des rapports, des observations d'OVNI ou de formes de vie extraterrestre et d'en transmettre les données aux Nations Unies.
Plus loin, on peut y lire que la déclaration selon laquelle le gouvernement fédéral ne dispose pas d'éléments qui permettraient une appréciation fiable de la probabilité de l'existence de vie extraterrestre ainsi que d'un atterrissage d'extraterrestres sur le territoire de la République Fédérale d'Allemagne, tenu pour impossible compte tenu de l'état de nos connaissances scientifiques actuelles, ne signifie cependant pas qu'il n'y ait pas eu dans le passé de recherches à ce sujet.
Et plus loin encore : Le fait qu'aussi bien la Grande-Bretagne que la France se soient penchées sur la question de l'existence des OVNIs et des formes de vie extraterrestre - et ceci dans le plus grand secret - et l'aient rendu public ces dernières années, et même par le biais d'internet, laisse à supposer que des pouvoirs publics allemands ou des ministères se sont également saisis de cette question.
Dans un renvoi en bas de page, il est mentionné que le changement de paradigme politique, en passant ainsi du secret à l'information publique sur les OVNIs, est justifiée en Grande-Bretagne par un souci d'amélioration de la sécurité dans l'espace aérien.
Toujours dans ce document, il est également fait remarquer que, lors de l'adoption de cette résolution A/33/426 en 1978, l'air du temps était encore très imprégné d'une pensée conflictuelle Est - Ouest et que, au moins d'une perspective militaire, il avait pu se faire jour alors la nécessité de suivre les rapports ou les observations d'OVNIs et d'en faire l'investigation. Le développement réel ou supposé de nouveaux matériels volants et de satellites espions par le camp adverse pourrait également avoir constitué dans le passé une motivation suffisante en République Fédérale Allemande pour se préoccuper de tels sujets.
Commentaire de GreWi: il est souligné à la suite de ce paragraphe, qu'après la publication sans précédent de documents secrets OVNIs par le Bundesnachrichtendienst (BND) [ Service fédéral d'information] en 2014, Grenzwissenschaft-Aktuell a pu certifier en exclusivité précisément l'existence de telles études menées par l'armée et des services secrets à la frontière intérieure [d'à l'époque] entre la RFA et la RDA. Il est donc indéniable qu'en Allemagne également il a été procédé à ces études sur les OVNIs, niées par la communication officielle, ainsi que les documents en découlant. Il se pourrait donc que ces documents OVNIs du BND rendus publics par GreWi ne soient pas les seuls documents existants...
Chapitre 6
Le document lui-même passe en revue des interpellations parlementaires sur la thématique "OVNIs et extraterrestres". Là aussi, ces interpellations et les réponses correspondantes données sont déjà du domaine public.
Ainsi Peter Altmaier, le secrétaire d'état au Parlement d'à l'époque, déclara le 12 juin 2008, à la suite d'une interpellation du député H. Wolff (FDP) , que le Parlement n'avait pas connaissance de l'existence d'observations de soi-disant OVNIs extraterrestres en Allemagne et qu'en conséquence il n'existait pas de documents relatifs à l'observation d'OVNIs susceptibles d'être rendus publics.
Commentaire de GreWi: Que ce soit sciemment ou par ignorance, la réponse donnée était évidemment fausse comme l'ont démontré les "UFO-Akten des BND" rendus publics par GreWi en 2014 [ dont il a déjà été question plus haut].
Le député Peter Hettlich (Bündnis 90 / Die Grünen) [alliance écologiste Les Verts] posa une question écrite relative à l'estimation du gouvernement fédéral sur la probabilité de l'existence d'êtres vivants extraterrestres et le degré de vraisemblance d'un atterrissage d'extraterrestres sur le territoire de la République Fédérale d'Allemagne. La réponse donnée le 22 juin 2009 par le secrétaire d'état Jochen Homann fut que le gouvernement fédéral ne disposait pas d'éléments d'information qui pourraient permettre une évaluation fiable de ces probabilités et que, d'après l'état actuel des connaissances scientifiques, un atterrissage était jugé exclu.
Fort de cette déclaration, le secrétaire d'état jugea alors également superflu de répondre aux deux questions complémentaires du demandeur. A savoir si, d'une part, le gouvernement fédéral était préparé à un tel atterrissage, y compris une entrée en contact avec des êtres intelligents extraterrestres et quelles lignes directrices, instructions et recommandations ont été établies dans cette perspective et, d'autre part, si les compétences pour un tel événement ont été définies entre la structure fédérale, les états régionaux et les communes et, également, quelles autorités fédérales seraient alors compétentes.
Commentaire de GreWi: Bien que le secrétaire d'état ait jugé inutile de répondre à ces questions complémentaires, ces directives ont bel et bien existé et existent toujours. GreWi a d'ailleurs informé dès 2012 sur la "Handhabung von UFO-Meldungen durch deutsche Behörden" [ Modalités de traitement des observations OVNI par l'administration allemande]
Pour finir, les auteurs du document recommandent une liste de vidéos consultables en ligne sur cette thématique, en provenance de la série d'émissions "Alpha-Centauri" du Bayerischen Rundfunk [la télévision régionale de Bavière] et de "Leschs Universum" .
Un " état de la situation en cours" ( Sachstand)
En plus des développements du document mentionné, les "UFO-Akte des Bundestages" comprennent également une sorte d'état des lieux (Sachstand) sur la thématique "L'Union Européenne et sa gestion de la thématique "objets volants non identifiés" ", finalisé par deux auteurs de l'unité spécialisée "WD 11: Europa".
Comme l'indique le sommaire de cet "état des lieux", ici aussi il s'agit d'une récapitulation d'informations générales aisément accessibles et connues de longue date des connaisseurs. Il y est question de la définition du concept "UFO" [OVNI], à différencier et à ne pas mettre au même niveau que le terme "objets volants extraterrestres" , de la problématique du bien-fondé de la recherche de dénominations alternatives, du droit de l'espace et de ses fondements en Europe.
Y est mise en avant la position de la France qui, à travers le GEIPAN (Groupe d'études et d'information sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés), sous l'égide du CNES (Centre national d'études spatiales), est le seul état membre de l'Union Européenne à documenter officiellement les observations d'OVNIs et à mettre cette documentation à la disposition du public. Bien qu'y soit également évoqué le rapport COMETA de 1999, réalisé par des membres gravitant autour du ministère de la Défense, cet "état des lieux" n'entre malheureusement pas dans les conclusions de ce rapport COMETA, à savoir que les OVNIs sont réels et vraisemblablement d'origine extraterrestre, conclusions qui auraient pourtant été d'un intérêt évident dans le document élaboré.
Le troisième point de l' "état des lieux" expose la façon du Parlement européen d'appréhender la thématique OVNI. Là encore il s'agit généralement d'informations et événements circonstanciés déjà connus, telle que la tentative en 1991 du parlementaire italien d'à l'époque, Tulio Regge (SPE), de parvenir à la création d'un "observatoire européen des OVNIs", tentative vouée à l'échec en l'absence de majorité pour l'adoption d'une résolution finale au Parlement européen.
De même, le quatrième point récapitule des interpellations parlementaires connues ainsi que les réponses qui y ont été apportées, ces dernières n'étant guère fondamentalement différentes de celles données présentement par le gouvernement fédéral.
Le dernier point dénommé "Perspective" ("Ausblick") rentre beaucoup moins dans la problématique OVNI que dans les projets de programmes spatiaux d'à l'époque et dans l'étude du cosmos.
En résumé
Il se confirme donc finalement ce que Grenzwissenschaft-Aktuell.de et Exopolitik.org exposaient dès les premiers compte-rendus relatifs à ces "UFO-Akte des Bundestages", à savoir que le caractère explosif de ce dossier réside moins dans son contenu que dans la conclusion qu'on peut en tirer, à savoir qu'en Allemagne également des services officiels, les pouvoirs publics et/ou des ministères (incluant l'armée) éprouvent de l'intérêt pour le phénomène OVNI et que celui-ci a été étudié et qu'il l'est probablement toujours encore.
Explosif également parce que cette conclusion logique contredit le discours officiel entretenu depuis des décennies par pas mal de gouvernements fédéraux, qui, jusqu'à ce jour ne cessaient de répéter que de tels études et dossiers n'existaient tout simplement pas. Qu'en réalité, c'est bien le contraire qui est le cas, cela est attesté non seulement par les nombreux dossiers OVNI et signalements réellement existants découverts et mis en évidence par de nombreux chercheurs du domaine OVNI, mais c'est aussi ce que supposent les experts attitrés des services scientifiques du Parlement.
Reste à savoir pourquoi l'administration du Parlement allemand s'est opposée à la publication de ce document de façon aussi acharnée et en ayant recours à l'expertise d'un grand cabinet d'avocats (dont le montant des prestations est évalué par quelques experts à près de 50 000,00 €) ? La raison se trouve manifestement beaucoup moins dans la teneur des documents que dans l'usage qui pourrait être fait désormais de tous les documents élaborés par les services scientifiques du Parlement. Et là il se pourrait bien qu'il reste un certain nombre de découvertes journalistiques à faire.