samedi 29 octobre 2011

Appel lancé par Stephane Hessel et Edgar Morin

Plusieurs mails nous ont fait part de l'appel lancé par Stéphane Hessel, ancien ambassadeur , ancien déporté , ancien combattant, écrivain et poète, auteur de "Indignez vous!"  et de "Engagez vous !", ainsi que par le sociologue et philosophe Edgar Morin. Il a tout à fait sa place sur ce blog et nous le reproduisons ici.


Appel lancé par Stephane Hessel et Edgar Morin sur Mediapart, le 19 octobre 2011

Pour que la France retrouve le chemin de l'espérance

1. Nous constatons que la force libertaire de la jeunesse, utilisant les moyens informatiques nouveaux, a été capable d'abattre des despotismes dans les pays arabes, d'y réveiller tous les âges et toutes les classes sociales, et qu'elle est devenue une force déferlante d'indignés sur la planète, défiant les pouvoirs, notamment le pouvoir sans entraves du capitalisme financier. Si cette force est apte à provoquer des ruptures et des éveils, il lui manque une pensée politique capable d'ouvrir une voie qui unisse les forces vives des peuples sur un chemin d'espérance. C'est la formulation d'une telle pensée que nous proposons aux candidats.

2. Comme la France n'est pas seule dans le monde et que son destin en dépend en partie, elle devrait proposer une réforme de l'ONU qui la rende apte à traiter les conflits en cours, dont le douloureux conflit israélo-palestinien, et qui instituerait trois instances planétaires dotées de pouvoirs:
- pour surmonter la crise mondiale actuelle en régulant véritablement son économie;
- pour protéger la biosphère dont la dégradation accélérée dégrade les conditions de vie de l'humanité;
- pour entreprendre l'élimination des armes de destruction massive.

3. Comme la France est dans l'Union européenne, elle devrait y militer pour y développer une politique commune de protection de ses populations, de développement de ses coopérations, d'intégration des immigrations, et de justes propositions pour la paix dans le monde.

4. La politique en France devrait avoir pour orientation le "bien-vivre" qui englobe et dépasse le bien-être matériel pour restaurer une qualité de vie de plus en plus dégradée.

5. Une telle politique pourrait, en même temps, traiter la crise économique et réduire le chômage en développant des mesures appropriées pour:
-juguler la spéculation financière
- combiner la mondialisation de coopérations et d'échanges à une démondialisation de protection des intérêts vitaux locaux, régionaux, nationaux;
- opérer une vive croissance de l'économie verte, de l'économie sociale et solidaire, du commerce équitable, et une décroissance parallèle de l'économie du futile, du jetable, du gaspillage, elle-même liée au développement d'une consommation désintoxiquée ;
- favoriser la croissance de l'agriculture et  de l'élevage fermiers et biologiques et la décroissance de la grande exploitation industrialisée.

6. Une telle politique entreprendrait la réduction des inégalités, notamment par une réforme fiscale et la création d'un observatoire des inégalités, qui ferait annuellement ses recommandations. 

7. Une telle politique opérerait une régénération de la solidarité notamment en instituant dans toutes les villes des maisons de fraternité et en établissant un service civique de solidarité.

8. Une telle politique inciterait à une débureaucratisation des administrations et des entreprises par décompartimentation des travailleurs et restitution de leurs possibilités d'initiatives.

9. Une telle politique inciterait à la démocratie participative en instituant des conseils de gouvernance urbaine et municipale, comportant élus, administrateurs, professions compétentes et citoyens.

10. Une telle politique comporterait une réforme de l'enseignement à tous niveaux de façon à ce que les problèmes fondamentaux et globaux , qui nécessitent des compétences polydisciplinaires y soient enseignées dès les petites classes. Elle répondrait à ce que prescrivait Jean-Jacques Rousseau : "Enseigner à vivre".

11. Toutes ces réformes devraient s'entre-compléter et converger en un grand dessein qui ouvrirait à la France le chemin de l'espérance. 

12. Un Président de la République doit d'abord prendre acte des grands défis devant lesquels se trouve notre monde, où la France a sa place et sa responsabilité (l'énergie, l'eau, la faim, le climat, la pollution, etc.). Il doit avoir le courage de réduire drastiquement les énormes dépenses inutiles ou nocives, comme les dépenses d'armement et de guerre et l'investissement nucléaire, et de réduire tous les énormes gaspillages qui empêchent l'essor d'une économie saine et productive. Il doit savoir que d'énormes ressources humaines sont inemployées, qu'il y a dans le peuple de France, s'il est rendu à l'initiative et à l'espérance, de très grandes possibilités créatrices. La nouvelle politique doit se mettre au service des citoyens, et ceux-ci se mettront à son service.

Nous sommes au seuil d'une nouvelle Histoire humaine et déjà partout, notamment dans les jeunes générations, naissent des initiatives porteuses d'un futur d'espérance.

                                                                                                             Stéphane Hessel et Edgar Morin  
                                                                                                                        Paris, le 19 octobre 2011